"Devenez vous-même bordel!"


Le manque de personnalité n'est que la capacité de prendre tout pour vrai et tout pour faux. Avec une telle lecture, l'individu s'oblige à mener la réflexion jusqu'à atteindre ses limites pour ensuite prendre des décisions qui permettent d'avancer d'un cran, puis reprendre la réflexion en tenant compte des nouvelles données acquises. La définition que les gens "ordinaires/normaux" - les croyants chevronnés en ce que la psychanalyse apporte comme résultats - ont de la personnalité consiste à réduire l'Homme à une machine à accumuler les expériences, et qui, une fois ses sens stimulés, suit un comportement bien précis et unique à l'individu. Il y a donc cette unicité que nous cherchons tous à atteindre par notre manière d'être et notre façon d'imposer une image de nous, un masque, et qu'on nomme "personnalité". Je pense que nous sommes devant un cas concret et constant de la "mauvaise foi" de l'être humain. Les individus qui prétendent avoir forgé leur personnalité cherchent désespérément à trouver une cohérence dans l'incohérence. Leur passé étant aujourd'hui à portée de main, il est plus simple de le modeler, et le remodeler pour en sortir une interprétation cohérente (sans ou avec peu d'anomalies et de contradictions) qui sera projetée au présent et parfois même au futur proche. Rappelons-leur alors que le futur est incertain par définition. Comment peut-on présumer dans ce cas trouver une cohérence dans ce qui est incertain? Le passé qui semble aujourd'hui cohérent n'est-il pas le futur d'un passé antérieur? Est-ce vraiment la bonne voie pour atteindre une connaissance de soi?

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Il y a une phrase qu'on entend souvent et il me semble intéressent de l'étudier: "Je suis ce que je suis et il faut comprendre que je ne peux pas être autre chose que ce que je suis!".

On entend souvent ce genre de phrases lorsque la personne en question atteint ses limites dans la réflexion, et espère ainsi mettre fin à toute critique de la part de l'autre. Nous savons tous que ce genre de phrases n'a rien de vrai. Ce qui peut nous sembler vrai dans une situation peut très bien passer pour faux dans une autre. Ce qui prouve pour moi que nous ne sommes pas "ce que nous sommes", mais ce que nous décidons d'être. La seule vérité que nous pouvons espérer posséder ne peut être ailleurs que dans la décision que nous prenons à l'instant même ou nous agissons. Ni avant, ni après.

Le fait d'atteindre ses limites n'est pas un mal et ne doit pas être source de mal-être. Je pense qu'on devrait plutôt en parler. L'avouer. Le communiquer à la personne en face qui ne peut pas lire dans notre esprit. Par contre cette manière de mettre fin à la conversation est un acte de mauvaise foi. La personne, souvent, ne souhaite pas avouer ses limites car elle considère que c'est une défaite, et en même temps une victoire de l'autre. Ce qui est à mon avis une erreur, car le fait que deux individus puissent communiquer est une victoire en soi. Se couvrir derrière le bouclier de la personnalité et imposer à l'autre de se retirer est une défaite. C'est un acte violent puisque la décision d'arrêter la conversation n'a pas été consentie des deux parts.

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Contrairement à ce qu'on nous dit, je pense que la connaissance de soi devrait passer par une prolifération des personnalités, à l'intérieur de chacun, mais qui finiront de manière "naturelle" par "se déconstruire"/"fusionner"/"muter"/"se reproduire" jusqu'à atteindre un "état d'équilibre", une paix/cohabitation qui sera certainement de longue durée car non imposée par un choix arbitraire de personnage/rôle à jouer (La voie à suivre lorsqu'on cherche le confort, au prix d'un suicide intellectuel).

Le manque de personnalité serait pour moi un idéal humain libre de toute pensée conventionnelle. La pensée conventionnelle détermine, dénomme, catalogue, catégorise et classifie les choses et les êtres. Elle a pour avantage de créer un certain ordre, mais elle conditionne l’esprit dans des schémas linéaire et dualiste, avec toutes les limitations qu’ils impliquent. Elle l’appauvrit, en l’enfermant dans une structure figée. Elle se fonde sur la mémoire, c’est à dire le passé. Elle compartimente même le savoir. Elle limite ainsi le déploiement de l’intelligence.

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Dans une disponibilité vide de mémoire, des connexions inattendues s’établissent, des sauts de conscience s’effectuent, l’intelligence et l’intuition se mettent à danser. Parfois à chanter et à crier: Je ne suis pas l'Homme à la caméra!


Image: Affiche de la campagne de recrutement de l’Armée de terre française.
Sur le site Internet de cette campagne on peut lire: "« On ne naît pas soldat, on le devient. » (Remerciements à Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe t.1, Gallimard © 1949, pp 285-286.)" (!?)

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