Oubliez ma révolution, occupez-vous de la votre!


"Mensonge. Par prétérition. Ce qu'on tait avec bonne conscience: « J'ai bien le droit de me taire: c'est par le sujet de ce silence que je fructifierai un jour. Je suis seul juge. » Réserve d'avenir. Dans la littérature. Dans l'amour.


J'imagine une époque où la grandeur sera moins dans le refus que dans l'ahésion, où il y aura quelque gloire à se sentir conforme. Toutes les granduers humaines n'ont été jusqu'à maintanant que négatives. Dans l'espoir. L'esprit ne nie toujours qu'au nom de l'espérance. Imaginer le temps où l'on n'espérera plus.


Cette jeunesse passe son temps dans un état de songe; elle est assez comblée par la fabrication de ses symboles et de ses signes. Elle est indifférente aux traces et aux résultats de son action. Il lui suffit que l'un des gestes qu'elle esquisse ait un air de famille avec ses songes, qu'elle s'y reconnaisse. Ses actions n'ont pas de coefficient de réalité très élevé, c'est pourquoi elle ne craint jamais de faire souffrir. Je dis à Rosen:


-Mais enfin, supposez que tout ait mal tourné, que votre ami ait réellement fait de la prison, soit passé en conseil de guerre?


-Et après? dit-il. Il aurait enfin compris que c'était sérieux, qu'on ne jouait pas.


-L'écart entre vos discours, vos ambitions et vos succès me paraît tout de même extrêmement comique.


-Vous n'y comprenez rien.


Etions-nous sérieux à la Sorbonne, avant la guerre, du temps d'Alfred de Tarde et de Massis! La guerre qui éloignait leurs pères a enlevé cette génération jusqu'au soupçon de la responsabilité.


Rosen a bien raison! Ils jouent encore, un rien les amuse. Ils manquent de persévérance, ils changent de jeu avec la versatilité des enfants. Ils ne connaissent pas le bonheur."


-Paul Nizan; La conspiration.


Image: Carré Noir


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