The final cut. Last scene.


Imprimés kitsch, couleurs éclatantes, dentelle et macramé : à l'opposé du zen triste et froid, l'esprit manouche reprend vie. Un débordement plutôt réjouissant côté tissus, coussins et vaisselle. Ça donne envie de s'asseoir, et de boire un verre.

Sur la banquette en fer forgé (290 €, 3Suisses) : plaid en soie gansé anis, 270 € ; housses de coussin en soie anis/jaune et fuchsia/prune, 49 € l'une ; coussins en coton fleuri, 25 € l'un, le tout Tendance khmère. Housses de coussin fuchsia et bleu décorées de sequins, 36 €, et plaid en crochet, 105 €, Vivaraise. Carnets en cuir, 24,50 € l'un, Peper Colony et sac en patchwork, 150 €, Caravane.

Au sol : coussins de sol pièces uniques en tissu ancien (prix sur demande), Vivaraise. Plateau et saladier en cuivre, 130 € et 65 €, Home Autour du monde. Couverts, 4 €pièce, Antoine & Lili. Panier en fibre de noix de coco, 35 €, et pelotes de feutre, 14 €, Caravane Emporium. Poussins en tissu, 26 € et 30 €, The Collection. Ombrelle en coton brodé, 47 €, Les Touristes. Jetés de lit en boutis beige et en coton quilté écru, 238 € l'un, plaid en patchwork quilté main, 250 €,Vivaraise. Au fond : rideaux en dentelle, 53 € la paire, Vivaraise.


***
Un type mystérieux entre dans la grande salle et appelle le garçon
***

-Garçon!
-Oui Monsieur?
-Un vin rouge s'il vous plait.
-Tout de suite Monsieur.

***
Le garçon va au bar et revient avec un verre de vin.
***

-Tenez monsieur.
-Mais il n'est pas rouge ce vin?
-Non monsieur, c'est du vin manouche, il change de couleur selon l'humeur. Et puis "in vino veritas" comme j'aime me répéter. Vous-voyez, là il est pâle comme ce chat.
-Quel chat?
-Celui-là Monsieur...

***
On voit un chat passer dans la pièce
***

-Tiens, vous avez raison. Un joli chat pâle qui court. Il a l'air sage, il a perdu ses griffes. Oh, mon Dieu, c'est une femelle. Surprenant! Il me rappelle un chat que j'ai connu un jour! Serait-ce le même? Mon Dieu est-ce possible? (Mais c'est le même mon Dieu... le même à qui j'ai arraché les griffes... à défaut de pouvoir l'éliminer... le même qui me hante tous les soirs dans mes rêves... le même... et j'ai fini par le retrouver... je dois lui rendre ses griffes... il est sans défense... je dois lui rendre ses griffes en espérant qu'il me pardonne... et que mes cauchemars s'arrêtent! Oui, je dois le faire. Je le fais!) Minou, minou! Viens t'asseoir, allez viens.

***
Le chat s'approche
***

-Tu as besoin de quoi mon petit?
-(miaou)
-Hein?
-(miaou)
-Que cherches-tu?
-(miaou)
-Fuir? Mais fuir quoi?
-(miaou)
-Tu as peur des chiennes?
-(Miaou)
-Et de quoi d'autres?
-(miaou)
-Des abeilles?
-(miaou)
-Non? De quoi alors?
-(Miaou)
-Ah, des batailles?
-(Miaou)
-Mais lesquelles? J'en connais bien des batailles... bataille de Pydna, bataille de Pharsale, bataille de Khaybar, bataille de Hattin, bataille de Waterloo, et Washita River!
-(Miaou)
-Oh mais regarde autour de toi, il n'y a plus de bataille et il n'y a pas de chiennes, il n'y a que des corbeaux qui nous guettent à l'extérieur. Mais tu es à l'abri, à côté de moi, tu ne risques rien.
-(Miaou)
-Garçon!

***
Le chat s'enfuit et le garçon arrive
***

-Oui Monsieur.
-Où est son maitre?
-Ici même Monsieur.
-Qui donc?
-Moi même Monsieur.
-Mais ce chat a peur.
-C'est parce qu'il est libre!
-Mais vous venez de me dire que vous êtes son maître?
-Oui, mais il est libre!
-Je ne comprends pas...
-Il est libre de faire ce dont il a envie, tant que je le surveille de prêt.
-Vous le surveillez? Mais pourquoi donc?
-Mais quelle drôle de question! Pour le punir bien sûr si jamais il déconne. Vous savez Monsieur que les chats sont des bêtes à surveiller. Sinon elles te griffent.
-Mais ce chat n'a pas de griffe!
-Jamais faire confiance à un chat, Monsieur!
-Vous me dites qu'il est libre. Libre parce que son maître en a voulu ainsi... c'est ça?
-Écoutez-moi! Mêlez-vous de vos affaires!
-Non, mais Monsieur...
-Et puis vous savez quoi, j'en ai marre de vous!
-Non, mais Monsieur...
-Et puis regardez-vous dans la glace! Vous savez à quoi vous ressemblez? Regardez-vous dans la glace!
-Non, je préfèrerais ne pas...
-Vous voyez! Vous avez peur de vous voir dans la glace. Vous savez que vous êtes faux. Vous le savez. Vous savez qui vous êtes. Mettez-vous là bas au moins, au comptoir. Vous aurez bien du monde pour vous écouter. Tous des saoulards en quête de spiritueux. Ils me saoulent. Vous aussi.
-Non, mais Monsieur...
-Et puis écoutez moi, c'est moi le maître ici, c'est chez moi ici!
-Non, mais Monsieur...
-Je vous autorise à entrer dans mon bar, je vous sers mon vin, je vous présente mon chat, et maintenant vous osez me critiquer!
-Non, mais Monsieur...
-Vous savez que vous avez l'air con?
-Non, mais Monsieur...
-Et puis vous me faites pitié, vous le savez? Vous voulez ma pitié, c'est ce que vous cherchez! Dites-le!
-Non, mais Monsieur...
-Oui, je vous écoute! Qu'est ce que vous me voulez?
-Rien de méchant.
-Ah!
-Oui...
-D'accord, alors asseyons-nous pour parler calmement.
-Non j'aime rester debout. Asseyez-vous si vous souhaitez.
-D'accord. Me voilà assis. Alors expliquez-moi!
-Oui.
-Faites-donc! Vous m'agacez!
-Tout de suite, mon cher Monsieur. Tout ce que je veux c'est de vous montrer à quel point je vous aime. J'aime votre compagnie. J'aime le cadre, le décor. J'aime votre façon de vous exprimer. Je trouve ça exotique. Je trouve ça digne d'un élu qui s'est fait élu. Digne d'un bourreau qui aime torturer sa victime avant de la laisser crever et s'en ravir. Digne d'un criminel qui se fait passer pour la victime. Digne d'un homme qui garde ses bijoux dans sa poche pour ensuite acheter sa liberté. Mais la liberté ne s'achète pas, Monsieur. C'est ce que je pense en tout cas. Vous voulez que je vous dise pourquoi je vous aime? Parce que vous m'apprenez des choses sur moi. Oui. J'apprends beaucoup de vous. Je crois même que j'ai trop appris. Je fléchis d'abord aux coups mais je réfléchis pour rétorquer. Mais les coups peuvent être mortels. Ils sont à l'image de mon adversaire. Action-réaction, c'est tout ce que je peux vous dire. Vous savez pourquoi je ne me regarde jamais dans la glace? Parce que j'ai un miroir au lieu du visage. Je renvoie à l'autre sa violence. Mais aussi sa douceur. Ses envies aussi. Et ses rêves. Oh, tenez! Regardez-le vin par exemple!
-...
-Mais regardez!
-Il est... il est... de plus en plus sombre...
-Oui, il était pâle quand j'étais avec le chat... maintenant il est sombre quand il s'agit de vous.
-Vous voulez dire quoi?
-Tenez-moi ce verre un instant, et je vous explique.
-Oui, faites donc, et vite Monsieur, je n'ai pas trop de temps à perdre!

***
Le garçon prend le verre
***

-De quelle couleur est-il maintenant?
-Il est... il est... c'est noir... très noir... jamais vu un vin aussi noir!
-C'est la couleur de la mort.
-Mais comment vous le savez? Et puis il était déjà très sombre entre vos mains. C'est que vous mourrez aussi!
-Non, il était sombre. Pas noir. Pas complètement. Je me noyais... dans mes cauchemars.
-PARBLEU! Vos mains! Noires! Vos yeux! Noirs!
-Vous-avez peur?
-NON! JAMAIS!
-Dites-moi que vous avez peur... allez... faites-le une seule fois... soyez honnête...
-Non, à quoi vous jouez? Vous ne me faites même pas peur! Il doit y avoir un truc, un jeu de lumière. J'hallucine, ou je ne sais quoi!
-Regardez! Calmez-vous! Le noir se dissipe...
-Oui... en vous mais pas le verre...
-C'est le votre!
-Je vais mourir?
-Certainement.
-Qui vous dit ça?
-Le vieux testament.
-Mais il y a eu un nouveau!
-Oui, et puis plein d'autres après.
-Vous y croyez?
-Non.
-Mais alors? En quoi vous croyez?
-En rien pour l'instant. Je vous l'ai déjà dit. C'est que vous n'écoutez jamais l'autre. C'est dommage.
-Qu'allez-vous faire maintenant?
-Je vais commencer à croire, ça me rendra certainement plus fort.
-Et puis quoi d'autre?
-Rien. Je me sauve.
-Et comment?
-En remontant à la surface.
-De quoi vous me parlez?
-De ça:


***
Le garçon tombe raide mort, et le chat qui s'approche doucement
***

-(silence)
-(miaou)
-(silence)
-(miaou)
-Mort! Le maître est mort. Au trottoir ou au comptoir il sera enterré. Mais qu'importe. Je n'ai pas à le faire. Je m'en vais.
-(miaou)
-Mon doux... pardonne-moi d'avoir tué ton maître...
-(miaou)
-Je m'en vais. Prend-soin de toi.
-(miaou)
-Tu as été fort, courageux. Tu m'as appris à être patient, à être honnête avec moi même. Regarde comment j'ai pu m'en sortir. Regarde comment j'ai pu me libérer. Je rentre chez-moi, repeindre mon mur de blanc, de rouge ou de vert. C'est moi qui décide de ma couleur. J'enlève mon miroir. Je ne garde que le masque. Mon masque. Le masque que je suis. Vaut-mieux être un masque qu'un miroir. Vaut-mieux être un masque que plusieurs.
-(miaou)
-Je t'aime bien, c'est pour ça que je pars. Ma présence ne va te faire que du mal, je le vois dans tes yeux. Tes yeux me parlent. Et j'accepte ton choix.
-(miaou)
-Oui, je te vois trembler. Tu te rappelles certainement de moi. Oui, c'est moi. L'assassin dont on parle. Celui qui ne laisse aucune trace. Celui qui mène l'autre à sa mort. Sa propre mort. Et n'en garde aucun remords. Celui qui pensait faire tomber le masque mais qui finissait par arracher tout le visage. Celui qui arrachait les cœurs en prétendant n'arracher que le mal. Celui qui avait tellement peur qu'il faisait peur à l'autre. Voici tes griffes. Reprends-les, je t'en prie...

***
Le chat s'approche et tend sa jambe. Une fois les griffes remises le chat se transforme en femme.
***

-Je peux te prendre dans mes bras, avant le départ?
-Oui. Tu peux.

***
Ils se prennent dans les bras l'un de l'autre, durant une minute et en silence. Et en même temps...
***

-Adieu mon ami-e

***
FIN
***


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